Portrait

« J’aime lorsque le soleil rougit, la poésie, et les romantiques, ceux de Friedrich ou Turner.

Les notions de contemplation, de temporalité et de lumière nourrissent ma vision de l’espace scénographié. »

Diplômé des Beaux-Arts, spécialité scénographie, avec un parcours forgé aux côtés d’artistes tels que Laurent Perbos et d’architectes comme Les Filles d’Intérieur.

 

Aujourd’hui, une pratique de scénographe et artiste-auteur, tournée vers la création d’œuvres spatiales en dialogue avec l’intimité des lieux habités.

Rencontre

Depuis quand abordes-tu l'espace avec un regard créatif ?

Je pense que ça remonte à l’enfance. J’ai souvent déménagé, ce qui m’a appris très tôt à observer les lieux autrement. Chaque maison m’imposait une nouvelle manière de vivre. Puis peu à peu, j’ai développé un besoin irrépressible de m’approprier les espaces. De les observer. Les détourner. Les réécrire. Ce n’était pas une obsession, mais une intuition douce, tenace, qui ne m’a jamais quitté. L’espace m’est apparu comme un langage. Et surtout : jamais comme quelque chose de neutre.

Te souviens-tu du moment où tu as su que ce serait ton métier ?

Oui, et d’une façon assez inattendue. J’avais 17 ans quand on m’a proposé de participer à un concours de décoration d’intérieur, diffusé sur TF1. J’y suis allé un peu par curiosité… et j’ai fini par gagner. Ce n’était pas qu’une compétition : c’était la première fois que je modelais un espace avec de vrais moyens, humains et matériels. Je ne savais pas encore le formuler, mais je sentais que quelque chose s’était libéré en moi. Et c’est là qu’une voie s’est ouverte.

À partir de là, comment les Beaux-Arts ont-ils nourri ta démarche ?

C’était une bulle de création pure, un endroit où tout était possible. Le cadre était merveilleux, en plein cœur du parc des Calanques de Marseille, ce qui renforçait le lien entre art et environnement.

Là-bas, j’ai cessé de voir les espaces comme des volumes à remplir. Je les ai perçus comme des territoires d’expériences.

Et pourtant, tu travailles aujourd’hui sur des intérieurs concrets. Comment ton travail est-il passé de l’un à l’autre ?

C’est en travaillant avec le mouvement que tout a changé. Pendant mon master, j’ai initié des laboratoires mêlant danse et espace, en invitant des interprètes venus de tous horizons : des compagnies émergentes jusqu’à l’Opéra Garnier. J’ai compris que l’espace n’était pas un décor, mais un corps vivant, en dialogue constant avec celles et ceux qui l’habitent. C’est là que ma pratique s’est tournée vers la scénographie. J’ai ensuite présenté mon travail au M.A.C. de Marseille et collaboré avec des scénographes et architectes de renom. Ces expériences ont donné corps à ma démarche scénographique.
Tête de lit avec colonne tout hauteur

Tu interviens comme scénographe plutôt qu'architecte d’intérieur. Qu’est-ce que ça dit de ton approche ?

Plasticien avant tout, je ne propose pas de prestation, mais une œuvre. Je ne me limite pas à organiser ou optimiser un intérieur : j’en compose l’atmosphère, le récit. Là où l’architecte d’intérieur structure, je chorégraphie. Chaque lumière, chaque volume, chaque texture devient un langage, au service d’un dialogue plastique.

C’est donc un travail purement conceptuel ?

Pas du tout. L’émotion ne s’oppose pas à la rigueur, elle l’amplifie. Je suis très attaché au concret. J’écoute les usages, les besoins, les contraintes. Mais je vais plus loin : j’essaie de leur donner du sens, une profondeur. Mon travail est habité et habitable.

Comment t’inscris-tu dans un projet d’intérieur ?

Je me vois comme un metteur en scène. Je n’impose rien : je propose une lecture, une intention. Mon rôle, c’est d’orchestrer un espace qui parle à ceux qui vont l’habiter, une œuvre vivante, en dialogue avec le réel. Rien n’est figé. Ce que je conçois est un point de départ, une structure ouverte qui appelle l’appropriation, la réinvention, le quotidien.

Tu dis souvent qu’un espace habité est une œuvre vivante. Tu peux préciser ?

Oui, c’est une conviction profonde. Un lieu n’est pas un décor : c’est une scène où chacun rejoue sa vie. Pour l’illustrer, je me réfère souvent à la notion de « théâtre invisible » d’Augusto Boal, où le jeu se glisse dans le quotidien, sans qu’on le nomme. Mais ce théâtre a un auteur. La scénographie que je propose porte un regard, une intention, parfois même une tension.
Elle invite à vivre, à percevoir autrement. Pour moi, habiter, c’est déjà créer. Un espace est réussi quand il laisse assez de place pour que chacun y projette son propre récit, sans jamais annuler celui que j’y ai inscrit.

Si tu devais résumer ta vision en une phrase ?

Créer des lieux qui nous touchent, nous élèvent, et résonnent bien au-delà de leur usage.